René Barrière et ses descendants québécois

(Un dossier sur la famille Barrière )
Par ROLAND BARRIÈRE

 

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Noms marquants

ÉMILE BARRIÈRE –

Fils de Félix Barrière et Alexina Gamache fait carrière en Europe Petit-fils de Moïse Barrière et de Céleste Loiselle et arrière petit-fils de Louis Barrière et Louise Barré, Émile est de la souche issue de la deuxième femme de René, Agathe Laporte.

Né à Richelieu, le 5 octobre 1894, il fait ses études d'abord au Collège de Chambly puis à l'école des Hautes Études Commerciales de Montréal, nouvellement fondée. Il est de la deuxième promotion, celle de 1914.

Dès son bas âge, il s'intéresse à la photographie. L'acquisition de connaissances en la matière pousse désormais ses aptitudes jusqu'au seuil d'une carrière qui débutera en 1916.

Après un court stage en comptabilité à sa sortie des H.E.C., il s'enrôle volontairement dans l'armée canadienne, le 1er août 1914, mais ses parents s'y opposent et réussissent à le faire démobiliser. S'intéressant toujours à la photographie, il se rend à Valcartier où se trouve le camp d'entraînement militaire dans le but d'y faire de la photo et d'y réaliser des bénéfices.

Il apprend que deux de ses camarades H.E.C. partent pour l'Europe sur l'invitation du directeur de l'école A.J. de Bray. Au bonheur d'Émile, l'un se désiste. Il pose alors sa candidature et part pour l'Europe. Le bateau est poursuivi par un sous-marin allemand, mais il arrive sain et sauf, raconte-t-il.

On est en novembre 1915. Émile est à Paris où il est placé chez un fabricant -négociant de draps, Prudhomme et Frères, square Louvois. Il y travaille huit mois. Il revient en Amérique, à New-York, comme représentant d'une agence de presse française dans le but d'y diffuser des photographies de guerre aux journaux américains. Émile reste à New- York jusqu'au printemps 1917. Les États-Unis viennent de déclarer la guerre à l'Allemagne.

Émile juge que la presse américaine sera davantage intéressée à montrer à ses lecteurs des photos de ses troupes en action sur le front français, et part de nouveau pour la France fin juin 1917 et arrive à St-Nazaire avant le premier contingent de 40,000 soldats américains. C'est à ce moment qu'il réussit son premier exploit. Grâce à son génie, sa perspicacité, ses photos du débarquement parviennent aux États-Unis une bonne semaine avant celles des autres, même des spécialistes. Elles font sensation! C'est un événement d'un intérêt exceptionnel. C'est la première fois dans l'histoire qu'une armée américaine traverse l'océan pour aller combattre à l'étranger. Émile reçoit sa récompense. William Randolph Hearst magnat de la presse américaine lui offre une situation magnifique qu'Émile accepte. Hearst obtient de Washington de le faire accréditer correspondant de guerre « photo-journaliste». Il porte l'uni- forme, ce qui facilite son travail et lui permet des voyages, visites aux troupes, sauf-conduits, autorisations rapides, etc.

Après l'armistice, il accompagne l'armée d'occupation de la zone américaine à Coblentz. Il suit les personnalités politiques à la conférence de la Paix au quai d'Orsay, Wilson, Clémenceau, Lloyd Georges et finalement à l'été 1919, il photographie la cérémonie de la signature du traité de paix dans la galerie des glaces à Versailles, spectacle qui l'impressionne.

Émile fait partie du groupe de journalistes qui accompagnent le président Wilson dans ses visites en Angleterre, puis aux régions dévastées de Belgique et de France. Une fois Wilson de retour aux États-Unis, on lui offre un tour d'Europe; c'est à l'époque une belle aventure.

Il reste assez longtemps à Berlin pour voir l'existence du marché noir. Il perfectionne l'allemand qu'il a appris aux H.E.C., assiste à la conférence de Weimar, visite le port et la ville de Hambourg en pleine révolution spartakiste. Il visite Prague, Vienne, Budapest, Padoue, Turin, Milan. Il photographie les nouveaux chefs d'état et des scènes de la vie d'après guerre dans ces pays où la misère est grande. Lui-même, mal alimenté, revient malade à Paris.

En novembre 1919, il donne sa démission; il veut revoir sa famille, se faire soigner, reprendre sa vie au Canada et s'embarque pour le pays.

Il apporte avec lui un appareil français de « prise de vue» le plus perfectionné à l'époque, qui lui procure un emploi dès son arrivée dans la production de scènes d'actualité de la province de Québec.

Au cours de 1922, il s'entend avec le service maritime du Canadien Pacifique afin de monter un laboratoire-photo industriel à bord de leur bateau croisière « l'Empress of Scotland » à l'occasion d'une croisière de deux mois en Méditerranée avec 1,200 passagers. U n tel laboratoire à grand débit, à bord d'un paquebot, c'est une innovation; service de 24 heures, cela ne s'est pas encore vu. A chaque escale, ce sont des prises de vue: Alger, le Caire, Athènes, Constantinople, Madère et Gibraltar, dont un reportage filmé complet sur Jérusalem.

D'un caractère très sociable, Émile se fait de nombreux amis à bord, dont un couple d'Américains de Détroit avec qui il se lie d'amitié.

Il se rend à Détroit et se trouve un emploi dans un studio. Au bout de six mois, il s'ennuie et regrette Paris et c'est alors qu'il accepte une offre du New-York Times qui retient ses services comme envoyé spécial « photo-territoire » qui comprend toute l'Europe et l'Afrique du Nord.

C'est encore l'ère des voyages par train, il n'existe qu'un service aérien restreint et incertain Paris-Londres et naturellement pas de service transatlantique. Paris-Constantinople -4 jours et 4 nuits par train. Paris-Madrid, Paris-Rome -24 heures. Le Havre-New-York, cinq à six jours minimum sur quelques rares bateaux rapides.

Émile visite les familles royales de l'époque, celle d' Angleterre, d'Espagne, de Roumanie, de Hollande, de Belgique, de Yougoslavie; il se rappelle quelques vols en zeppelin, en avions de guerre de type Caproni, Réguet Farman, avions fabriqués de toile de bambou et de cordes de piano, très légers et très fragiles, filant à une vitesse de 60 à 75 milles à l'heure.

Émile Barrière fait l'ascension de l'Etna en Sicile à dos de mulet lors de l'éruption de 1923 jusqu'au cratère et sa rivière de feu. Il se rend à Madrid à plusieurs reprises lors d'événements politiques, directoire des généraux, (Primo de Rivera) révolution, fuite de la famille royale.

De retour à Paris, il suit toujours l'actualité, photographie les reuvres des grands couturiers, les gens de théâtre, Sacha Guitry, Mistinguett, Elconora Duse, Emma Calvé, les stars d'Hollywood, les musiciens Jasha Heifetz, Misha Elman, les peintres et sculpteurs de Montparnasse, les personnalité politiques Poincarré, Laval, Herriot.

Toujours au service du 'New-York Times, il rend visite à Georges Clémenceau, « le tigre », qui l'invite à déjeuner et se laisse photographier . Émile conserve une photographie de Clémenceau, autographiée de la main de ce dernier, avec une plume d'oie.

Bien sûr il adore son travail et va toujours de l'avant; rien ne l'arrête. Il organise une rencontre entre Georges Eastman, roi de la photographie aux États-Unis et Louis Lumière, roi de la photographie française. Incroyable, dit-il, ils ne se connaissent pas et ils deviennent de bons amis. Il assiste aux conférences de Lausanne, Genève, Locarno et chaque hiver il se rend à St-Moritz pour les sports d'hiver où il rencontre les célébrités du monde entier.

Rien ne lui échappe. Il accompagne une mission archéologique anglo-américaine en Afrique du Nord pour les fouilles de Carthage et divers endroits en Tunisie. En 1924, ce sont les jeux olympiques d'hiver et été, et le fameux et célèbre tournoi de tennis entre Helen Wills, américaine et Suzanne Lenglen, française, à Cannes. Il est toujours là.

En janvier 1927, une autre étape de sa vie va commencer. De reporter « photo-journaliste », il devient administrateur de société. Le New-York Times veut s'étendre à toute l'Europe. Il fonde le bureau de Berlin. Émile qui connaît l' Allemagne, et se débrouille assez bien dans .cette langue, se tire bien d'affaires. Il y reste deux ans et décide alors de se marier. Ses occupations ne lui permettant pas d'absence prolongée, il fait venir sa fiancée, Gabrielle Rowan de Montréal et se marie à Berlin.

Barrière revient à Paris sur l’ordre de New- York, en qualité cette fois de directeur administratif. Dix ans s'écoulent et en septembre 1939, c'est le début de la deuxième guerre mondiale. En juin 1940, les Allemands sont aux portes de Paris. Il faut quitter la France, mais d'abord rejoindre sa famille en Bretagne avant de s'embarquer à Bordeaux. Il laisse tout derrière lui, meubles, vêtements, appartement, automobile. Après un court arrêt en Angleterre, il arrive au Canada où il est reçu par sa famille, son frère Omer, alors député à l'Assemblée nationale du Québec.

En fin d'été 1943, le New-York Times l'envoie à Londres comme correspondant de guerre d'administration afin d'y préparer la réouverture du bureau de Paris utilisé par les services Allemands durant l'occupation et procéder à la publication d'une édition spéciale. Aussitôt la libération de Paris, Émile s'y rend sans retard. Malgré des difficultés de toutes sortes, il réussit et le New- York Times sort comme prévu.

Émile a aujourd'hui 83 ans, jouit d'une bonne santé et vit à Montréal avec son épouse. Son fils Jean exerce la profession d'avocat à Montréal; il habite Outremont avec sa femme Louise Brunet et ses quatre enfants.

Émile s'intéresse comme moi à la généalogie. Il a visité Longué, village natal de l'ancêtre René. Il est en correspondance avec plusieurs maires d'Eure et Loir, pays d'origine des Gamache, du nom de son ancêtre maternel dont le premier arrivé, Nicolas, était seigneur de Cap St-Ignace. Grâce à son aide, mes recherches ont été souvent facilitées.

Il a fait honneur à la famille Barrière. Quant à moi j'en suis très fier .

 

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