René Barrière et ses descendants québécois

(Un dossier sur la famille Barrière )
Par ROLAND BARRIÈRE

 

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Introduction

1-     LA GÉNÉALOGIE

L'homme depuis toujours s'est intéressé à la généalogie, c'est-à-dire, à la connaissance des filiations. La Genèse, qui raconte la création de l'homme, est la première étude qui a inspiré toutes les autres. Le premier homme connut Ève, la première femme. Elle conçut et enfanta Caën. Et puis, Caën connut sa femme, et ainsi de suite. La Bible apparaît donc comme un immense traité de généalogie descendante.

Aujourd'hui, dans le grand public le mot généalogie évoque l'image qu'en donne la définition du petit Larousse: « Dénombrement des ancêtres de quelqu'un». Plus près de nous, le mot évoque l'Institut Drouin, entreprise qui se charge moyennant le prix d'établir pour quelqu'un la lignée de ses ascendants. Le mot rappelle aussi Mgr Cyprien Tanguay et son fameux dictionnaire qui donne les généalogies de toutes les familles canadiennes françaises de 1608 à 1760.

Pourtant, la science généalogique est encore à l'état artisanal chez nous, donc peu connue.

Je pense à cette dame qui conservait pieusement le pedigree de son toutou, qui n'était autre chose que les noms, prénoms et numéro d'immatriculation de ses ascendants. Je pense aussi à cet éleveur de Holstein, qui montre avec orgueil, à qui veut le voir, son carnet de vacherie enregistré au « Herd Book » de la race bovine Holstein, où figurent les noms de glorieux produits, avec leur dates de naissance et les noms de leurs pères. Tel M. Jourdain, ces deux personnages faisaient de la généalogie sans le savoir.

Au Québec, procéder à des recherches sur une famille est un travail relativement facile, car notre province est jeune encore. 400 ans, ce n'est pas beaucoup dans l'histoire d'un peuple. L'Église, qui a présidé à sa formation et son développement, réunit dans ses presbytères tous les noms des Canadiens-français, baptisés, mariés et inhumés, du début de la colonie à nos jours. Ainsi, une fois connu l'endroit où le premier arrivé s'est installé, les recherches deviennent une question de patience tout simplement fort amusante.

Fort amusante parce que les curés et les notaires, les seuls hommes instruits de ce temps-là, étaient des chroniqueurs à leur façon, parfois même des raconteurs. Les curés et les notaires étaient tellement près du peuple; ils se croyaient obligés dans leur rédaction, d'entrer dans les menus détails et d'ajouter des renseignements qui aujourd'hui seraient inutiles et superflus.

Les recherches se concentrent généralement dans une même région. Cela se comprend facilement. Les enfants se mariaient et demeuraient près des parents parce qu'il fallait s'entraider. Les parents très souvent donnaient une partie de leur terre à leurs enfants, sinon toute leur terre à l'aîné des fils. On n'a donc qu'à voir les curés des paroisses des environs, qui habituellement ouvrent les portes de leurs presbytères et laissent fouiller les registres.

Si, par chance, un seul colon du même nom a émigré au Canada, le travail devient plus facile encore; car, parfois, il arrive que deux, trois, quatre du même nom et provenant de régions différentes, sont venus au Canada ; le travail alors se complique.

J'ajouterais enfin que le Québec, pays jeune, est probablement le seul endroit au monde où un travail de généalogie peut se réaliser. Les vieux pays ont connu des changements de régime, des révolutions; les registres furent détruits à un certain moment, de sorte qu'un travail complet devient impossible.

2 -FASCINÉ PAR LA GÉNÉALOGIE

Dans ma jeunesse, j'avais remarqué qu'à Montréal mon nom de famille était fort peu répandu. Il y avait des noms populaires, comme Lalonde, Giroux, Roy, Tremblay, Simard. Encore aujourd'hui, on n'a qu'à feuilleter l'annuaire de téléphone ou le bottin « Lovell» de Montréal pour se rendre compte que la situation n'a guère changé.

A chaque parution du « Lovell », j'avais l'habitude de me hâter de le scruter pour voir la liste des Barrière. Malheureusement pour moi, je trouvais qu'elle s'allongeait bien lentement d'année en année. Par exemple, jusqu'à vers 1936, la liste ne comprenait que ma famille, c'est-à-dire, celle de mon père, quelques cinq ou six cousins germains, tous venus de Richelieu.

Je m'interrogeais donc sur la «rareté» de mon nom, sa provenance, et je n'aimais pas, surtout, qu'on le ridiculise. C'est à partir de ce moment-là que j'ai pris le goût de la généalogie; j'avais alors quinze ans. J'en ai aujourd'hui cinquante-six et j'ai cru le moment venu de rassembler mes notes.

Je me suis bien creusé la tête pour savoir pourquoi il y a si peu de Barrière ! Je crois connaître maintenant les causes du petit nombre de Barrière au Québec. D'abord, un seul est venu de France au Canada. Il est bien évident que si plusieurs avaient émigré, comme c'est le cas de plusieurs autres familles, le nom serait plus répandu, quand on sait l'ampleur des familles de l'époque.

Deuxièmement, l'ancêtre des Barrière est arrivé tard, soit en 1728, après la période la plus intense d'émigration qui va de 1660 à 1680.

Troisièmement, dans presque toutes nos familles, j'ai noté une prédominance féminine et les femmes jusqu'à tout récemment, quand elles se mariaient, perdaient leur identité.

Quatrièmement, plusieurs descendants ont changé leur nom en celui de Langevin. Finalement, un grand nombre est passé aux États-Unis, où plusieurs ont changé leur nom pour celui de «Gates», soit Barrière en anglais.

C'est aussi ma mère, Rébecca Brissette, qui a contribué à me donner le goût de la petite histoire. Montréalaise de naissance, elle savait beaucoup de choses qu'elle aimait raconter. C'est par elle que j'ai appris l'affaire Guibord, l'histoire de Beaudry le chien, l'apostasie de l'abbé Chiniquy, et bien d'autres événements.

Son beau-père lui avait confié à la naissance de mon frère, son premier né, baptisé René: «Tu l'appelles, ma fille, comme le premier Barrière venu au Canada. » C'était en 1909 et mon grand-père, Théodore Barrière, ne se trompait pas, car son grand-père Louis, était le fils de René, l'ancêtre de tous les Barrière au Canada.

Mon père, Pierre Barrière, me parlait lui aussi de l'histoire familiale. Il m'avait raconté que Louis Barrière, son arrière grand-père, s'était marié deux fois, que sa première femme avait, semble-t-il, donné naissance à six ou sept garçons, et que ceux-ci avaient quitté leur village natal, lors du deuxième mariage de leur père. Ils avaient disparu, disait-il; et selon mon père, l'histoire familiale s'arrêtait là.

Tout au long de mes recherches, mes découvertes m'ont rappelé le souvenir des soirées à la maison, où l'on faisait en conciliabule de la généalogie sans le savoir. À la fin de mon cours à l'école des Hautes Études Commerciales en 1944, après avoir demandé à l'Institut de Généalogie Drouin de tracer mon arbre généalogique, j'ai commencé à colliger toutes sortes de documents pertinents à une étude sur ma famille.

Au cours des dix dernières années surtout, j'ai occupé de nombreuses heures de loisir à parcourir les presbytères et les bureaux d'enregistrement de la Province, à la recherche de notes, faits et documents qui font partie de ce dossier .

3 -LA VIE DES PREMIERS COLONS

L'histoire du Canada nous a appris la vie des premiers colons; elle fut à peu près la même pour tous et chacun. Leur courage est digne de la plus grande admiration.

Nul doute, nos ancêtres étaient braves, tenaces, même «durs à cuire». Traverser l'océan à cette époque était un véritable défi à la vie, à la mort; c'était une aventure longue, incertaine, remplie de difficultés de toutes sortes. Une fois débarqués, savaient-ils ce qui les attendait? Sauf quelques privilégiés, la plupart des premiers colons n'avaient d'autres occupations que le défrichement, la culture du sol et l'établissement d'une nombreuse famille.

À cette époque, les hommes ne pouvaient pas rester veufs, ils avaient besoin, en plus d'une compagne, d'une mère pour leurs enfants.

Ils se mariaient deux et même trois fois et avaient des enfants de chaque « lit », disait-on dans ce temps-là. La mortalité infantile était très fréquente, l'examen des registres le révèle rapidement. L'ignorance, l'absence d'hygiène faisaient que toutes les mamans perdaient des bébés.

Les hommes, pour la plupart, étaient illettrés. Jusqu'au début du XXe siècle, les registres et les actes mentionnent fréquemment que les maris déclarent ne pouvoir signer leur nom. Cependant, forts, capables de vaincre l'épreuve et attachés à leur foi, rien ne leur faisait peur .

De cette race d'intrépides, RENÉ BARRIÈRE, l'ancêtre, vit encore dans le cœur de centaines de descendants, disséminés à travers le Québec et les États-Unis.

Ce travail essaie de retracer tous les descendants de RENÉ BARRIÈRE. Toutefois, je n'ai pas la prétention d'exposer ici une œuvre de spécialiste. Mon œuvre est celle d'un amateur. Il m'est cependant permis d'affirmer que ce travail de recherches m'a procuré une grande satisfaction, avivé par un intérêt toujours croissant.

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